samedi 16 juillet 2016

Sensibilité et expérience esthétique


Chaque jour, des milliers de personnes arpentent, montent, descendent les rues. Parmi cette multitude d'individus, parfois nos vies s'accrochent à les leurs, les entrelacent, parfois nos liens s'usent, se défont, se brisent, se retrouvent; beaucoup avancent tournés sur eux-mêmes, fermés aux choses qui les entourent, qui pourraient leur apparaître. Une personne peut être physiquement présente et mentalement ailleurs, déconnectée, restant fermée sur elle-même.
Or, je vous invite à faire l'expérience, lorsque vous marchez, d'ouvrir vos yeux, de les ouvrir réellement, en prenant pleinement conscience de l'environnement qui vous entoure.
Certaines personnes y verront peut-être le détail d'une architecture, et d'autres, la beauté d'un arbre, d'un graffiti, la douceur des tons dont le ciel s'est coloré. Tout ceci relève de la sensibilité humaine, de nos perceptions individuelles, et sont à l'origine d'une émotion. J'imagine que la sensibilité varie d'une personne à une autre, en intensité, et également selon l'objet en question qui parle à cette sensibilité.
L'idée de la sensibilité variant d'une personne à une autre, cela a quelque chose d’extrêmement touchant. Si "je" ne "vois" pas un objet que nous appellerons "x", une autre personne peut y être réceptive, et grâce aux mots, au langage, révéler à "je" la beauté de l'objet en question. Ainsi, la sensibilité se partage, est également une affaire de connexion, et de communication, on peut partager une émotion face à une beauté, un sentiment qui nous est apparu, au travers d'un objet qui nous est extérieur.

James Joyces, un écrivain britannique du XXe siècle crée le concept d'"épiphanies" pour qualifier le moment de l'expérience esthétique. A l'origine, le terme épiphanie a un sens religieux, et sert à nommer une apparition divine sur terre, comme par exemple celle de Jésus aux mages. A contrario, une épiphanie esthétique peut s'appliquer à un événement immanent, qui n'a donc rien de divin, qui est tout à fait terrestre. L'épiphanie esthétique, c'est par exemple ce que vous apparaît lorsque vous prenez le temps de contempler un paysage, un coucher de soleil, un ciel étoilé, un vitrail, que votre attention est toute engagée à en saisir la beauté de sa singularité, de ses couleurs, la poésie qui s'en dégage.

Mais qu'est ce qu'une expérience? Dans l'ouvrage sur lequel je me base pour vous écrire ces mots, l'auteur nous en donne trois définitions différentes.
  1. L'expérience comme ensemble de nos connaissances sensibles. Elle proviendrait alors de la stimulation d"organes sensibles, qui sont donc à la source de l'expérience. Nos cinq sens (la vue, l'ouïe, le goût, le toucher, l'odorat) sont un moyen d’accéder à l'expérience.
  2. L'expérience comme totalité de nos représentations, "perceptuelles, langagières ou imagées". Il s'agit en fait de la totalité des images mentales qui peuvent nous envahir.
  3. L'expérience comme un vécu subjectif. C'est le sens que l'on emploie le plus fréquemment dans la vie courante. "j'ai fait l'expérience de manger une pomme".

Quelle différence entre "artistique" et "esthétique"? 

On pourrait penser ces deux mots synonymes, ou du moins très proches. Or, "artistique" s'applique uniquement au domaine du "faire", c'est le résultat d'une technique, d'un travail sur une oeuvre, d'une création.
En revanche, l'"esthétique" ne se limite pas au domaine des œuvres d'art, car tout peut être ou devenir esthétique.
Par exemple, si vous vous baladez en forêt, vous pouvez tomber hasardeusement sur un paysage qui n'a bénéficié d'aucune intention artistique, d'aucune modification qui le ferait accéder au statut de "création artistique", mais que vous pouvez trouver esthétique. Et inversement, il est aussi tout à fait possible de trouver inesthétique une oeuvre d'art. La notion d'esthétique peut également varier selon le contexte et s'appliquer, ou non, à un objet. Je reprends le même exemple que Schaeffer, celui de la lune, car tantôt, elle est utilisée utilitairement comme guide, et a donc moins de valeur esthétique que si elle est utilisée comme objet symbolique de rêve et d'évasion.

La notion d'esthétique existe dans le regard de celui qui regarde l'objet. La qualité "esthétique" ne fait pas partie de l'objet en lui-même. C'est l'appréciation positive ou négative de celui qui regarde qui rajoute cette propriété à l'objet. Tout peut alors devenir esthétique (ou ne pas le devenir!), et mystérieusement (ou non) parfois il y a un consensus lorsque plusieurs personnes, plusieurs regards se croisent et se mettent d'accord sur la qualité esthétique d'un objet.


Une caverne de vers luisants magnifiée par l'oeil du photographe, Joseph Michael. Ou quand la nature est féerique, envoûtante. Une expérience esthétique que je tenais à vous faire partager (lien des autres prises en bas de page).



Dans Journée de Lecture Proust note que ce que les lectures de notre enfance "laissent surtout en nous, c'est l'image des lieux et des jours où nous les avons faites" donc un condensé d'affects. Cela remonte à bien loin maintenant, mais j'ai en moi ce souvenir; j'étais encore en primaire, un coin de la salle était dédié à des livres imagés pour enfants. Il y avait également des jeux ludiques, des puzzles... Je me rappelle d'un livre imagé dans lequel était figuré ce tableau de Kandinsky. Je ne sais pas pourquoi, mais quand j'étais petite, j'aimais regarder l'image de ce tableau, regarder ces ronds imparfaits et colorés me rendait heureuse. Plus tard j'ai voulu savoir qui en était l'artiste, et lorsque je le vois, je me vois petite, en classe de CP, plantée devant ce livre.



Lorsque vous éprouvez une émotion devant un objet, une oeuvre; demandez-vous quel souvenir pourrait être en lien avec ce même objet. Jean-Marie Schaeffer nous parle de l'émotion comme moyen de rendre le passé présent, car cette émotion est potentiellement l'expression d'un fragment de notre passé, d'un fragment de nous qui resurgit. Selon, lui "un état émotif est un état vécu par un individu et toute sa réalité réside dans la singularité de ce vécu qui implique la personne entière". Ainsi, l'expérience esthétique a un enjeu double, puisqu'en faisant l'expérience d'un objet externe à moi, je suis à la fois connectée au monde et à ma propre histoire. L'expérience esthétique est à la fois rencontre avec le monde, et rencontre avec soi-même. Cette double rencontre nous fait prendre conscience que l'expérience esthétique est une expérience vivante, qui nous fait prendre conscience que l'on est en vie, en étant sensible, sentant. L'oeuvre devient alors signifiante et intime, tout comme l'attention initiale portée vers cette oeuvre. Elle obtient un sens qui n'est alors plus hazardeux, et devient un objet de connaissance à part entière.




Pour cet article je me suis aidée de
Jean-Marie Schaeffer. L'Expérience Esthétique. NRF Essais. Gallimard. 2015
http://uk.businessinsider.com/why-new-zealand-has-glowing-luminosity-caves-glow-worm-photos-2015-7



jeudi 30 juin 2016

Le loup et ses représentations


Ces derniers jours, je me suis laissée porter par l'atmosphère enchanteresse des films d'animation japonaise. Cela faisait longtemps que j'avais envie de regarder Princesse Mononoké; qui, dans sa poésie, ses images et sa profondeur, m'a d'ailleurs beaucoup émue. Dans la foulée, j'ai le lendemain visionné Ame et Yuki : Les Enfants Loups, qui, dans un registre différent bouleverse tout autant.
Un élément, un point commun, a attiré mon attention : la présence du loup. C'est un animal que je porte réellement dans mon cœur. Possédant un chien et étant très attirée par les canidés, j'ai décidé de consacrer cet article à la figure du loup, à ses représentations dans l'art comme fil conducteur.  

Dans l'imaginaire collectif européen, le loup est une figure qui inspire généralement la crainte
Animal diabolisé ( notamment par la religion chrétienne) perçu comme redoutable et terrifiant, il est inconsciemment celui qui s'oppose à l'"agneau pascal" chrétien, le prédateur qui menace le symbole de pureté, par extension une figure associée au diable. Or, le loup n'a pas toujours été un animal diabolisé. Prenons un peu de hauteur; nous pourrons alors voir que cet animal est également un animal respecté et admiré, et beaucoup plus proche de l'homme que nous pourrions penser.


Wolf and Whelp, netsuke japonais, ivoire
Los Angeles County Museum of Art
Cette image est un netsuke Japonais en ivoire du XVIIIe siècle. Il n'y a pas d'ivoire au japon, on a donc affaire à un ivoire importé. Une belle pièce necessite deux à trois mois de travail. 
Dans la religion shintoïste, la divinité associée au loup se nomme Amaterasu Omikami. Le rond rouge que l'on voit sur le drapeau du Japon renvoie à cette divinité. C'est la divinité associée à la lumière, au soleil, et aussi l'ancêtre de la lignée impériale, ce qui en fait une figure très importante. Le loup ne renvoie pas à la crainte mais c'est une figure de protection, tutélaire. La déesse louve Amaterasu Omikami protège les pauvres, notamment des catastrophes naturelles. C'est le guide et gardien des routes, mais cette bienveillance tient au respect qu'on lui accorde. De ce netsuke émane donc cette idée de protection, la mère louve cherchant à protéger son petit du monde extérieur, la patte droite sur son dos.













Painted wooden mask in a form of a wolf,
British Museum
Pour les Inuits, les esquimaux du Groenland et de l'Est du Canada, la figure du loup est associée à l'une de leurs divinité principales, Amarok
Si l'on se tourne vers la cosmologie inuit, il est dit qu'au commencement, il n'y avait rien, excepté un homme et une femme. La femme demande alors un trou, dans la banquise, pour pêcher, au Dieu du Ciel Kaïla. De ce trou, la femme fait alors émerger tous les animaux qui peuplent le monde, le caribou arrive en dernier et permettra de nourrir le peuple inuit. Or, comme les plus beaux caribous furent tous chassés en premier, il ne restait plus que les faibles et les malades aux Inuit, dont ils ne voulaient point. Kaïla rendit alors visite à Amarok, afin que les loups mangent les caribous les plus faibles, et que l'équilibre originel réapparaisse.
Cette histoire prouve donc que la relation entre le peuple Inuit, humain, et les loups est basée sur la complémentarité et la collaboration, basée sur le respect. Le loup est la figure garante de l'équilibre naturel, et non celle de la terreur gratuite ou du désordre. 
Ce masque en bois, est porté par les Inuits durant les danses cérémonielles et s'inscrit dans leurs pratiques religieuses, notamment dans la culture du "potlatch" ( une cérémonie rituelle basée sur le don ). Il est à l'image du loup, et renvoie donc potentiellement à la figure d'Amarok. Il prouve donc la présence sociale et religieuse de l'image et de la figure du loup, qui accompagne les peuples Inuits dans leurs célébrations.

Stèle funéraire représentant des guerriers armés
et un loup, anonyme, pierre rosée du Montseny,
Museu episcopal de Vic
Cette stèle funéraire, conservée au Museu Episcopal de Vic daterait du IIe siècle au Ie siècle avant J.C. 
Deux personnages luttant y sont représentés. Le guerrier de droite reçoit une lance dans le ventre par le guerrier de gauche qui lui-même reçoit un coup à la tête.
En dessous, un loup regardant vers la droite est représenté. Par le biais du loup nous est donnée l'issue du combat. Il agit comme un personnage médiateur, psychopompe, aidant les guerriers à transiter du monde des vivants jusqu'au monde des morts. 

Le loup ne se réduit donc pas seulement au prédateur dominant, il est aussi signe, gardien, figure secondaire proche de l'homme, dont le regard, lucide, se fait justice, sensible au respect de l'ordre. 
                                                                               

Localisation d'Assiout, ancienne
Lycopolis
 Dans l'Egypte Antique, l'actuelle Assiout se nommait auparavant Lycopolis, "la ville du loup" en référence à son dieu local, Oupouaout "celui qui ouvre les chemins". Elle se situe à 250km au Nord de Thèbes. Cette divinité a une fonction d"éclaireur", car il a pour fonction d'écarter les forces hostiles, et partage son apparence de canidé avec le dieu Anubis, même si l'espèce exacte est difficilement identifiable. Il serait donc la première figure tutélaire de la royauté, donc de Pharaon; accompagnant le roi dans les rites les plus importants, et les âmes des défunts lors du voyage de l'âme dans l'au-delà. Il est souvent accompagné d'un cobra lors de ses représentations iconographiques.



1 - Stèle de Minnakht; chef des prêtres à Akhmim
 durant le règne d'Aÿ (1327 - 1323 avant J.-C.)

Ououpaout, statuette en bronze - sérapeum. Musée du Louvre



La traduction des hiéroglyphes de cette stèle (dont je vous mets le lien ici) est celle de Minnakht, qui demande à Pharaon de faire des offrandes au dieu loup, Ououpaout, et au canidé Anubis afin qu'il puisse être un "bienheureux" dans l'au-delà. Ceci pour illustrer l'idée que le loup ne serait, selon ces exemples, pas un animal associé au "mal" dans la religion égyptienne. Il est la figure vénérée qui récompense les méritants, toujours garant de cette ordre, de cette justice.

De la naissance de Rome à la pesée des âmes lors du passage dans l'au-delà chez les Anciens égyptiens, le loup accompagne, provoque tantôt le respect, tantôt la crainte, mais fascine, toujours. 


















mardi 28 juin 2016

Pokemon et philo



          En ce jour d'été bien grisou, la motivation n'est pas vraiment au rendez-vous, c'est le moins que l'on puisse dire. En traînant dans ma piaule, mon regard est alors attiré par un petit clignotement rouge : ,c'est ma bonne vieille nintendo, qui, sur le point de s'éteindre abruptement, en pleine lutte, déployant ses efforts afin de puiser dans les tréfonds de sa batterie, me fait signe.
Puisque j'ai bon coeur, (et parce qu'il est si agréable de rester confortablement muré chez soi en état léthargique, à regarder le temps bien dégueu dehors), je me décide de la recharger, et de l'allumer, mettant fin à son état de veille prolongée (pas de demi mesure tant qu'à faire).
De manière inconsciente, mon regard et mon attention se dirigent alors vers la jolie icône bleue du menu, Pokemon. Je me retrouve dans une ville inconnue, cette musique si familière (qui envahit ma mémoire auditive alors que j'écris ces lignes, en bonus ici), quelques pokémons niveau 10, 12.. j'y joue cinq minutes. CINQ MINUTES.

C'était il y a quatre jours. A l'heure où j'écris ces lignes, j'ai battu la ligue.

Oui, j'ai battu la ligne, et une nouvelle histoire qui suit mon sacre en tant que nouveau maître Pokémon m'attend, je vais reprendre mes idées embryonnaires concernant la stratégie, peaufiner mon équipe, jouer online etc...
                                                                Que de projets. Mais ceux là, je vous conseille gentiment de les garder bien au chaud lorsque arrive Noël, avec conjointement ce moment fatidique du dîner de famille où votre vieille tante ou mère-grand "rabarjoise"  ( rabat-joie, bourgeoise, j'hésitais) vous demande :

  • Où en sont les amours
  • Le bilan de votre année
Vous vous êtes préparé(e) longtemps à cette question, expérimenté sans relâche afin de trouver le dosage, l'équilibre parfait entre vague et concret, savoir en dire ni trop (surtout pas trop), ni trop peu. Oui, exercice d'orfèvre, j'en ai conscience. Une fois passé et réussie (1) la question sur les amours, la plus difficile, il ne s'agit pas de foirer l'interrogatoire en renversant la donne. Évitez les lapsus " pokemon" sur les questions concernant votre année scolaire, universitaire ou professionnelle. Conservez votre trajectoire, vague, concret, net. Une fois la séance de torture finie, la tante ou la mémé partie fumer son cigare ou s'entretenir politique avec monsieur ou madame Y ou X, vous pouvez vous consoler avec une coupe de champagne, une poignée de gâteaux apéro, ce qui vous passe sous la main ( facultatif ).


Mais je m'éloigne. J'en reviens alors au vif du sujet car oui, pour philosopher, Pokémon est un bon terrain.

  • La liberté - Le choix - le sujet
Protégé et entouré de ses adorables créatures, Pokemon, c'est d'abord l'histoire d'un enfant de 10 ans, Sacha, qui quitte son village, le cocon familial et la sécurité parentale. En âge de parcourir le monde (initialement limité à la région de Kanto, ce qui est déjà plutôt déjà pas mal), il veut mettre toutes les chances de son côté pour devenir "maître Pokemon".
Qui, quel enfant n'a donc jamais rêvé de parcourir le monde?
Cette notion de liberté est donc intimement liée avec la notion de choix à laquelle notre héros va tout de suite être confronté puisqu'il va devoir choisir un pokemon parmi trois d'entre eux pour débuter son odyssée. Ces trois options sont donc Carapuce, Bulbizarre et Salamèche. Ayant chacun un type different, et une identité propre en tant qu"individus" singuliers et propres, chaque choix induit pour Sacha un nombre de possibilités, de situations qui pourront, ou non, se réaliser, chaque pokemon l'emmènerait alors potentiellement dans un chemin différent.
Avant ce jour fatidique où il va devoir communiquer au Professeur Chen son choix, son désir, par un cheminement de pensée, Sacha pense vouloir Carapuce, et donc, le demander au professeur Chen. 
Parce que Sacha est un sujet ( définition en fin d'article ), il a la faculté de penser, une faculté de mémoire, de visualiser. Il peut donc anticiper le futur et se projeter avec Carapuce dans le futur, et donc émettre l'hypothèse de ce que Carapuce pourrait lui apporter ( comme si il misait, il n'en a pas la certitude, mais en se basant sur ce qu'il connaît de Carapuce, il peut tenter d'anticiper le futur selon des données plus ou moins fondées), avoir une idée de ce qu'ils pourraient donc réaliser ensemble. 

Or, ce choix va donc se transformer en une contrainte. Cette contrainte va donc se heurter à sa liberté de choix, initiale. Le jour J, Sacha se réveille en retard, et arrive donc trop tard au laboratoire puisque les trois pokemons ont donc déjà été pris. La liberté n'est donc pas totale pour Sacha, puisque la liberté d'autrui a donc une résonance sur sa propre liberté. Nos choix ne dépendent donc pas que de nous mais dépendent aussi des autres. Sacha se heurte aussi à la question de la responsabilité puisque un être libre et conscient de ses actes est aussi un un être responsable. Peut-être dépendait-t-il alors de lui trouver un moyen de se réveiller plus tôt (mais peut-être que cela ne dépendait pas de lui, si nous admettons que le réveil est tombé en panne durant son sommeil!). Cet oubli ou cet événement a donc une conséquence extrêmement importante sur son futur puisque cela va l'amener à se heurter à une contrainte : Chen, n'ayant plus les trois Pokemons, confie alors à Sacha un Pikachu. Sacha ne choisit donc pas comme il l'avait prévu initialement, mais cette contrainte va avoir des répercussions très importante sur son identité, sur sa trajectoire. Sans cet évènement, le Sacha dont nous avons pu suivre les aventures ne serait pas devenu celui qu'il et devenu.
"Choix et conscience sont une seule et même chose"
Jean Paul Sartre



à suivre.











Gobou, mon amour










lundi 27 juin 2016

One day one work : L'Evangéliaire du Couronnement de Vienne

L'Evangéliaire du Couronnement de Vienne

Realisé vers : avant/vers 800
Matériaux : les 236 pages sont en parchemin (peau animale) , la reliure, une plaque en argent doré traitée en haut relief, est refaite vers 1500 par l'orfèvre d'Aix, Hans Von Reutlingen
Conservé à : Kunsthistorisches Museum à Vienne

        L'oeuvre choisie d'aujourd'hui nous fait faire un petit bond dans le temps, c'est un manuscrit enluminé, il contient donc les quatre évangiles.
        La légende dit que ce manuscrit aurait été retrouvé dans le tombeau de Charlemagne en l'an 1000 au Palais d'Aix la Chapelle, et qu'il aurait été posé sur ses genoux. L'Empereur du Saint Empire romain germanique, Otton III, aurait donc (encore une fois, selon la légende) entrevu en rêve l'emplacement du tombeau de Charlemagne, et l'aurait donc fait ouvrir.
        Le futur empereur prête serment sur ce manuscrit, en touchant de ses doigts la première page de l'Evangile de Jean.
        En 1500, la reliure, refaite par Hans Von Reutlingen représente Dieu sous les traits de Charlemagne portant le vêtement impérial et arborant une couronne semblable à une mitre.


Au milieu, Dieu trônant sous les traits de Charlemagne, compris dans la structure d'un dais gothique
les quatre évangélistes représentés dans les quatre médaillons renvoient au tétramorphe

Les deux médaillons ci-dessus contiennent Jean (symbolisé par l'aigle, à gauche) et Matthieu (symbolisé par l'homme, à droite)

Ces médaillons-ci contiennent Marc (à gauche, symbolisé par le lion), et Luc (à droite, symbolisé par le taureau)
Saint Jean

Ci-dessus, vous retrouvez la première page de l'évangile de Saint Jean (sur laquelle le nouvel empereur portait serment), représenté de face. 
Saint Matthieu à l'ouvrage
Voici donc le portrait, et la première page de l'évangile de Saint Matthieu
De larges bords extérieurs du parchemin sont peint en violet. Cette surface plane entoure la représentation d'un cadre ornemental qui sert à cloisonner le lieu où se tiennent Saints Jean et Matthieu. On a alors une impression de profondeur qui s'installe au sein de ces enluminures.

Ce procédé en "trompe l'oeil" s'inspire donc probablement des manuscrits enluminés de l'Antiquité tardive, qui utilisaient également des effets d'illusions, jouant avec les sens du lecteur. 
Une forte influence byzantine se fait ressentir dans ces enluminures, un artiste grec aurait participé à la création de ce manuscrit avant l'an 800, à Aix-la-Chapelle, porteur alors de la tradition byzantine.

One day one work

Les proverbes Flamands - Pieter Bruegel the Elder - 1559

Medium : huile de bois de hêtre.
Conservé à : La Gemäldegalerie, au musée national de Berlin.

Ce tableau reprend plus de cent proverbes flamands, et leur donne vie en les matérialisant. Ils passent alors du domaine du langage, de l'idée abstraite au domaine du visible
Ces proverbes deviennent alors concrets en devenant des objets, des actions, des personnages qui s’entremêlent et se meuvent dans ce paysage animé et absurde.




Par exemple, dans le bord inférieur gauche, vous pouvez voir un homme qui se cogne littéralement la tête contre un mur. Cela fait directement référence au proverbe "se cogner la tête contre les murs", qui renvoie au fait de persister dans une voie sans issue, de tenter vainement, en étant voué à l'échec.


Si vous dirigez votre regard en bas, à droite, vous pouvez voir une femme catastrophée, la main gauche sur la tête, paniquée devant le pot renversé. Cela fait référence au proverbe "it's useless to cry over spilled milk", ou en français "il est inutile de pleurer sur le lait renversé", ou encore "ce qui est fait est fait" lorsque l'on ne peut revenir sur une chose ou un événement.



Cette oeuvre est expressive, tant dans ses couleurs que dans les différents éléments représentés. Le spectateur peut donc entrer dans cette oeuvre, s'y plonger, balader et y évoluer librement car cette oeuvre est complètement vivante et ses petits personnages qui l'habitent, interagissent entre eux, semblent en mouvement constant.


J'ai testé... Coursera



Coursera, What is it?

           Aujourd'hui je m'apprête à vous parler d'un site que j'ai découvert il y a peu en glandant sur le web.
Pour ceux qui aiment apprendre par eux-mêmes, en autonomie; Internet est une vraie mine d'or, (même si on nous rabâche souvent de nous méfier des contenus de divers sites) et permet de se cultiver sur tout et n'importe quoi. 
           Le site en question, ou plutôt la plateforme se nomme Coursera; elle permet 1) de se former en ligne à certaines spécialités mais également et surtout 2) d’accéder à certains cours des meilleures écoles et universités du monde (le site mentionne 145 partenariats, dont les ENS, Sciences Po, écoles de l'Ivy League!), et ce, gratuitement (ou presque) puisque vous pouvez suivre le cours gratuitement. Afin de valoriser votre CV ou votre cursus, si vous avez bien suivi le cours jusqu'à la fin, et réussi les différents tests au fil des semaines, vous pouvez décider d’acheter un certificat attestant de votre réussite et de votre assiduité dans un cours X (vous le paierez une cinquantaine d'euros).
Voici comment se présente la plateforme

Les cours sont partagés en différentes disciplines elles mêmes scindées
en plusieurs catégories
Comment y accéder? 

Pour accèder aux cours il faut s'inscrire, soit via Facebook, soit via e.mail en vous enregistrant, ce qui doit prendre deux minutes, cependant vous n'avez pas besoin de compte pour simplement visualiser les différents cours disponibles sur la plateforme. 

Comment sont présentés les cours? 

Lorsque vous vous inscrivez à un cours, le programme de ce même cours s'étend sur plusieurs semaines. La taille et le temps de travail conseillé varie pour chaque cours mais tout vous sera indiqué, ne vous inquietez pas! 
Par exemple la capture ci-dessous présente le programme de la deuxième semaine d'un cours sur la mythologie que je suis, ( et sur lequel je suis bien en retard ) et, si je veux correctement suivre ce cours, je dois regarder 10 vidéos dont la durée varie entre 4 et 15 minutes.  Pendant que je visionne ces vidéos, je peux prendre éventuellement des notes. Une fois que j'ai visionné toutes les vidéos de la semaine, je peux accéder à un questionnaire qui me posera alors une vingtaine de questions, les réponses se trouvent alors dans les vidéos, je peux alors y répondre si je les ai bien suivies et donc valider ma semaine.

Bien sur, comme chaque cours est proposé par un professeur ou une université différente, un autre cours pourrait aussi très bien mettre à disposition des textes, présenter plus ou moins de vidéos et avoir un système d'évaluation différent de celui-ci!
Exemple d'une semaine de cours sur lequel je suis inscrite, il traite de la mythologie grecque et romaine
je dois visionner ces dix vidéos avant de passer le test de la semaine
Quelles langues sont disponibles pour les cours? 

Cela varie d'un cours à un autre. très peu de cours sont disponibles en français, et quelques uns sont disponibles dans une langue étrangère avec des sous-titres français disponibles. Le cours sur la mythologie proposé par l'Université de Pennsylvanie à titre d'exemple est proposé en anglais parlé, avec des sous-titres anglais, chinois, italiens et roumains disponibles. Mais j'insiste, cela varie vraiment d'un cours à un autre car les sous-titres sont généralement proposés par des étudiants de ce site.

dimanche 26 juin 2016

Un jour, un titre n°1 : Ogre de Vald

Hey world

Ceci est le premier article d'une rubrique musicale. Mon objectif est de vous y faire découvrir à chaque fois un seul titre qui m'aura particulièrement touchée. Des centaines de titres et d'albums sortent tous les jours, ce qui donne carrément le vertige, surtout lorsque l'on voit tous ces titres défiler sous nos yeux sur les plateformes. 
      Trouver la pépite musicale qui va nous ébranler s'apparente alors à une véritable Odyssée
Lorsque l'on est en quête de nouvelles musiques à écouter, à moins que l'on ne connaisse d'avance l'artiste ou le groupe, c'est généralement le titre qui attire notre attention (comme la photo de la cible sur Tinder, mais c'est une autre histoire), le titre de la musique ou question, ou bien le nom de l'artiste. 
C'est donc ce titre, cette association de chiffres et de lettres qui va attirer notre attention. Un titre peut nous intriguer, peut faire ressortir un thème, une idée, une notion ( comme l'amuur, la haine, la solitude etc..) qui va profondément nous parler et nous faire signe; parce que ce titre peut potentiellement abriter une chanson en lien avec notre état d'âme du moment, ou alors une chanson qui nous touchera profondément dans ce que l'on est, car chacun possède une sensibilité qui lui est propre.

Je vais donc vous parler d'un titre qui a touché la mienne, Ogre de l'artiste Vald ( EP NQNT 2, 2015 ). J'ai découvert ce titre sur Spotify, c'est le douzième et dernier de son EP NQNT 2. Vous le trouverez difficilement sur Youtube

 Loin d'être une spécialiste de la scène rap, je ne vais pas vous baratiner pendant trois plombes sur des références connexes et savantes, je m'en tiendrai à mes propres émotions ressenties durant mes différentes écoutes. 

             Peut-être connaissez-vous déjà Bonjour de Vald ( Vald est d'ailleurs connu pour cette chanson! ) où, dans le refrain revient le fameux "il a pas dit bonjour..il va niquer sa mère" sur un ton décalé et ironique. Ces deux morceaux ( Bonjour et Ogre ) font partie du même EP mais n'ont absolument pas le même ton. Pour vous le présenter rapidement , c'est un jeune rappeur de 23 ans, aux textes absurdes. Il dit lui même dans une interview que ses chansons contiennent plusieurs niveaux de lecture, il préfère alors ne pas intervenir afin de laisser une grande liberté vis à vis des différentes interprétations possibles. Les termes utilisés sont souvent crus voire vulgaires, on ne craint pas donc l'entendre à tout va sur les ondes; ce qui, cependant, ne gêne aucunement l'écoute, ou du moins mon écoute puisque Vald a su se forger un univers barge, sombre et énigmatique. Côté réception du public, deux écoles s'affrontent ( pour caricaturer ) : il semble alors perçu tantôt comme un génie, tantôt comme un "troll" ou comme une arnaque, et semble se jouer lui-même de l'image dont il a conscience de renvoyer en brouillant justement la frontière entre génie et arnaque via l'absurdité de ses textes.
               Mais je diverge! Pour revenir à Ogre, les paroles semblent décrire une nuit sans espoir "Ce soir les enfers vont s'laisser aller" "Ce soir les cieux font pitié, ce soir, des yeux vont plisser Avec la drogue pour seule complice, et même si c'est compliqué" "Ce soir des parents s'quittent et y'aura pas de départ au ski". Et l'artiste, tel Charon, nous prend la main et nous embarque droit jusqu'aux Enfers, nous fait sombrer durant 4.33m, dans un lieu inconnu où les "lueurs d'espoirs" sont "noires", dans un lieu où le temps semble suspendu : "Ce soir j'vous en prie ne m'parlez pas d'lendemain" "Ce soir les garos grillent et la vie n'reste pas figée bien longtemps Y'a t'il pire martyr que la vie et perdre son temps?" mais où "les rêves ont pris la fuite", où le suicide se donne à voir et où la douleur semble constante, avec le vice, l'alcool et la drogue pour seules échappatoire. La rencontre entre des tournures crues "Ce soir, un enfant sniffe de l'insecticide parce que c'est la merde ici" et la présence constante de cet "ogre", figure monstrueuse et allégorique, comme issue d'un univers merveilleux et naïf qui "ploie sous l'ironie" et semble se jouer de nous, humains, que "l'or hypnotise",et qui semblons seulement "espérer quelques emplettes" malgré l'enfer, malgré l'horreur, malgré les "gens dans l'besoin qu'on entend pas chialer", nous humains qui fermons les yeux, centrés sur nous mêmes.
Ceci pour dire que Vald prend de la hauteur et semble regarder la terre de la Lune, et, comme avec un regard neuf et presque naïf, révèle et dénonce des faits et des vérités d'une société égarée et malade, en narrateur externe. L'homme, que "l'or hypnotise", pense trouver le bonheur grâce aux biens matériels, aveugle au chaos qui l'entoure, et qui est pourtant bien réel. 
L'instru derrière englobe les paroles et supporte une ambiance à la fois intimiste et dramatique, tragique, qui va crescendo. La magie, bien que noire, opère. On y adhère, ce tout est extrêmement séduisant, nous nous sentons comme les confidents de cette histoire, et des questionnements existentiels sur lesquels des perches sont tendues.
        Vald nous emporte dans son univers, et nous donne beaucoup plus qu'il ne semble le prétendre. On a donc affaire à un artiste généreux qui joue et s'amuse de l'image dont il a conscience de renvoyer.

Vald dans son clip Promesse